Interview de Monsieur de Abdelkader Amara, Ministre de l’Equipement, du Transport, de la Logistique et de l’Eau, Maroc

Country Reports (CR): Le Maroc confirme sa place de leader en Afrique du Nord. Le rapport «Doing Business 2018 » place le Maroc au 69ème rang mondial parmi 183 pays. On estime qu’avec ce score, le Maroc est à un tiers du chemin vers la meilleure performance au monde et s’approche à grands pas vers de très bonnes performances économiques. Quel rôle a joué le développement de l’infrastructure ?

Le développement des infrastructures dans les pays, évalué par la banque mondiale dans le cadre de son classement des meilleurs pays en terme du climat favorable des affaires, est l’un des critères clés sur lesquels se base son rapport « Doing Business ».

Il est clair que la disponibilité d’une infrastructure de qualité qui permet une meilleure connectivité nationale et internationale est primordiale pour qu’un investisseur puisse être encouragé à s’implanter dans un pays étranger et à développer ses affaires. C’est pour cette raison que le Ministère œuvre pour la concrétisation de la vision Royale, à savoir doter le pays d’infrastructures de transport modernes et poursuivre des efforts pour la réussite de la politique des chantiers structurants.

Les différentes politiques sectorielles élaborées et mises en œuvre par le Ministère ont contribué d’une manière significative à l’amélioration de la connectivité continentale, régionale et internationale du pays, à l’aménagement équilibré du territoire, à la réduction des disparités régionales, à l’amélioration du climat des affaires et au renforcement de la compétitivité de l’économie nationale garantissant ainsi son intégration dans l’économie mondiale.

Le Maroc dispose ainsi d’un patrimoine important dans ses secteurs d’activité : de plus de 1800 km d’autoroutes, d’environ 58.000 km de routes dont environ 44.000 km revêtues, de1124km de voies express, de 9400 ouvrages d’art, de 41 ports dont 13 sont ouverts au commerce extérieur, de plus de 3600km de voies ferrées classiques, de 200 km de ligne à grande vitesse, en cours d’achèvement, et de plus de 600 ha de zones logistiques aménagées.

 

Country Reports (CR): Les multiples actions et initiatives entreprises pour le Ministère visent à améliorer les infrastructures du pays. A cet effet, le Roi a lancé le projet de construction de la nouvelle gare routière de Rabat. En plus, lors des dernières années, 117 milliards de dirhams ont été investis en chemins de fer, routes et autoroutes pour la première fois. Pourriez-vous nous parler des projets dans lesquels votre Ministère travaille pour l’amélioration des conditions de vie des populations locales et pour le renforcement des services et infrastructures ? Quels sont les prochains plans de dépenses du Ministère pour les années à venir et quels secteurs faut-il prioriser ?

Effectivement, le Ministère de l’Equipement, du Transport, de la Logistique et de l’Eau a réussi durant les dernières années à réaliser des résultats appréciables à tous les niveaux. L’ensemble des acquis enregistrés reflètent la justesse de l’approche mise en œuvre qui consiste à persévérer sur la voie du développement inclusif qui répond aux aspirations nationales.

Pour conforter ce rôle, le Ministère s’est doté pour le quinquennat 2017-2021, d’un cadre stratégique qui s’inscrit résolument dans la mise en œuvre des Hautes Orientations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu Le Glorifie, et qui traduisent la politique générale du Gouvernement.

Les projets phares du Ministère qui visent l’amélioration des conditions de vie des populations locales sont comme suit :

  • Le programme de réduction des disparités territoriales et sociales (PRDTS) dans le monde rural, dans sa composante route. Ce programme ambilieux, qui s’étale sur 7 ans et nécessite la mobilisation d’un montant de 36 milliards de dirhams dédiés à la construction de 22.787 Km de routes et pistes rurales pour un montant de 28 milliards de dirhams. Il permettra, en plus de sauvegarder 9.600 Km de routes rurales classées de proximité pour un montant de 8 milliards de dirhams ;
  • Le projet routier Tiznit-Dakhla qui comprend une composante de voie express de 555 km reliant Tiznit à Laayoune et une composante d’élargissement de la route reliant Laayoune à Dakhla sur un linéaire de 500 Km ;
  • Le développement des infrastructures portuaires à travers la construction d’un nouveau port à Dakhla, un port de pêche à Lamhiriz (en cours de réalisation) et l’extension du port de pêche de Jebha.

Quant aux projets d’infrastructures de grande envergure, le Ministère prévoit :

  • La poursuite de la politique des barrages afin de sécuriser l’alimentation en eau potable, permettre le développement de l’agriculture et protéger les villes contre les inondations ;
  • La poursuite d’équipement du pays d’infrastructures autoroutières ;
  • Le dédoublement partiel de la voie ferrée entre Settat et Marrakech, qui sera inaugurée sous peu, ainsi que la réhabilitation de la ligne ferroviaire entre Tanger et Sidi Kacem ;
  • L’achèvement des travaux de construction des gares de Tanger-ville, de Kenitra, de Rabat-ville, Rabat-Agdal et de Casa voyageurs pour par la future LGV marocaine ;
  • L’achèvement du port de Safi, du port de Nador West Med et la construction du nouveau port énergétique de Jorf Lasfar ;
  • Le développement des zones logistiques au niveau des régions de
    Fès-Meknès, Rabat-Salé-Kénitra, Marrakech-Safi, Souss-Massa, l’oriental et Béni Mellal-Khénifra.

 

Country Reports (CR): Le Maroc dispose d’un ambitieux plan d’énergie renouvelable dont le magnifique projet d’énergie solaire, qui est probablement le plus connu. En ce qui concerne les ressources et la gestion de l’eau, quelle est la situation d’accès dans les différentes régions du pays ? Quels sont les principaux projets concernant l’eau, son accès et son utilisation, tant au niveau humain que pour l’industrie, l’agriculture et l’élevage ? Quel est le futur modèle de gestion de l’eau qui sera mis en place dans le pays ?

Tout d’abord, il est important de rappeler que notre pays dispose d’un potentiel limité des ressources en eau évalué à environ 22 milliards m3 en une année moyenne, soit l’équivalent de 650 m3/hab/an. En plus, les ressources en eau au Maroc sont caractérisées par une disparité territoriale, vu qu’un taux de 51% des ressources en eaux, est concentré uniquement dans 7% du territoire national (les bassins du Nord et le Sebou). A cela s’ajoute une variabilité dans le temps avec un rapport de 1 à 10 (5 Mm3 en année sèche à 50 Mm3en année humide).

Face à cette situation, notre pays a adopté, depuis les années soixante, une politique de maitrise des ressources en eau basée sur une gestion intégrée, planifiée, concertée et participative. Cette politique a permis de construire un patrimoine actuel de plus de 140 barrages d’une capacité de stockage de 17.6 Milliard de m3. Par ailleurs, 14 barrages sont en cours de construction, avec une capacité supplémentaire de près de 3,5 Milliard de m3, couvrant l’ensemble des zones du pays.

Toutefois, nos ressources en eau conventionnelles sont confrontées de plus en plus à des défis majeurs liés essentiellement à l’accroissement de la demande en eau combiné à l’accentuation de l’impact du changement climatique. Ainsi, aujourd’hui le recours aux ressources en eau non conventionnelles, notamment la réutilisation des eaux usées et le dessalement de l’eau de mer est devenu incontournable.

En parallèle, le Maroc a mis en place plusieurs programmes de développement des services liés à l’eau potable, l’assainissement et l’irrigation qui ont permis d’enregistrer des progrès très importants, notamment à travers :

  • L’accès à l’eau potable qui est désormais généralisé en milieu urbain, tandis qu’en milieu rural, le taux d’accès à l’eau potable a connu au cours des dernières années un développement remarquable passant de 14 % en 1994 à 96,5 % actuellement ;
  • Le taux de raccordement global au réseau d’assainissement en milieu urbain à atteint environ 75 % et le taux d’épuration est passé de 8 % en 2005 à 45 % actuellement grâce au Programme National d’Assainissement et d’épuration des eaux usées en milieu urbain (PNA) adopté en 2006 ;
  • Le développement de l’agriculture irriguée (environ 1,5 millions d’hectares actuellement).

Par ailleurs et en vue d’intégrer la réutilisation des eaux usées épurées dès la phase de conception des projets d’assainissement, les différents intervenants dans le secteur de l’eau travaillent ensemble sur la mutualisation des programmes nationaux d’assainissement liquide (PNA et PNAR) et de réutilisation des eaux usées.

 

Country Reports (CR): A la croisée des grands axes de communication du monde, notamment entre les continents européen et africain, le Maroc, dont la façade maritime s’étend sur 3500 kilomètres, a tout intérêt à dynamiser son secteur portuaire. A cet égard, la stratégie portuaire nationale à l’horizon 2030 va sur la bonne voie. Dévoilée en 2010, cette stratégie veut favoriser le regroupement portuaire à travers différents pôles. Dans le secteur d’infrastructure maritime, quels sont les domaines d’investissement qui pourraient intéresser le plus les investisseurs étrangers ? Où peut-on trouver les meilleures opportunités ?

La position géographique du Maroc sur le détroit de Gibraltar, fait du Royaume un carrefour important des échanges commerciaux reliant l’Europe, l’Afrique, l’Asie et les Amériques. En outre, le patrimoine portuaire constitué de 13 ports ouverts au commerce international, permet au Maroc de se positionner actuellement au 16èmerang dans la connectivité mondiale maritime.

A titre d’exemple, le port de Tanger Med est connecté aujourd’hui à plus de 174 ports répartis sur les cinq continents, de même, le port de Casablanca est relié à plus de 55 ports internationaux.

La participation des investisseurs étrangers dans la réalisation de ces infrastructures peut prendre plusieurs formes :

  • Participation aux appels d’offres internationaux lancés par le Maroc pour la conception et la réalisation des infrastructures, pour la conclusion de Partenariats Publics Privés et pour la mise en concession des ports ou terminaux portuaires;
  • Présentation d’offres spontanées pour le financement, la réalisation et la gestion des infrastructures portuaires, conformément aux lois en vigueur, notamment la loi 15-02 relative aux ports et la loi 86-12 relative aux PPP.

Ainsi, plusieurs projets phares présentent des opportunités pour les sociétés au cours des prochaines années, à savoir : le nouveau port de Dakhla Atlantique (750 millions de US$), le nouveau port de Jorf LASFAR (800 millions de US$) ; le nouveau port de Kenitra Atlantique (800 millions de US$), et le nouveau port de Nador West Med, dont les travaux d’infrastructures sont en cours de réalisation avec un coût de 1 Milliard US$.

 

Country Reports (CR): Le Maroc est considéré comme l’un des meilleurs marchés émergents pour les investissements à l’étranger. Les investisseurs internationaux cherchent différents secteurs pour l’investissement, y compris dans les domaines tels que les infrastructures. Pourriez-vous nous parler des dernières incitations pour attirer les investissements étrangers vers nos différents secteurs ?

En effet, le Royaume du Maroc compte parmi les pays les plus attractifs pour l’investissement, en raison de sa position géographique stratégique, de son climat politique stable et celui des affaires généralement favorables, de son capital social ainsi que de sa croissance économique soutenue et des niveaux de sa dette extérieure.

En vue de promouvoir les investissements, un intérêt particulier est accordé à l’amélioration du climat des affaires. Un ensemble de dispositifs visant à renforcer la concurrence et la transparence a été mis en place, notamment :

  • La simplification des procédures administratives aux entreprises ;
  • Le renforcement du système de droit des affaires (Loi sur la concurrence et la liberté des prix, la Loi sur les groupements d’intérêts économiques, la Loi sur la propriété industrielle et intellectuelle…) ;
  • L’amélioration de la transparence réglementaire ;
  • Le développement et la modernisation des marchés financiers ;
  • La création du Comité National de l’Environnement des Affaireset des Comités Régionaux de l’Environnement des Affaires, de l’Instance Centrale de la Prévention de la Corruption et de l’Office Marocain de la Propriété Intellectuelle et Commerciale ;
  • La promotion de la Charte relative à la Responsabilité sociale des entreprises.

Côté planification, une série de plans sectoriels à même d’assurer une croissance économique forte, durable et créatrice de richesses, a été mise en place par les pouvoirs publics.

D’un autre côté, dans le cadre de sa stratégie globale d’ouverture et de libéralisation, le Maroc a procédé, durant la dernière décennie, à la mise en place d’un cadre juridique propice au développement de ses relations commerciales avec certains de ses partenaires potentiels, à travers la conclusion de plusieurs accords de libre-échange donnant l’accès en franchise de droit de douane à un marché de plus d’un milliard de consommateurs.

 

Country Reports (CR): Quels sont les avantages compétitifs uniques dans le secteur de l’infrastructure marocaine face aux autres économies de la région de l’Afrique du Nord ?

Le potentiel de la région de l’Afrique du Nord en matière de développement n’est plus à démontrer, les investisseurs étrangers demeurent toutefois sceptiques quant à la défaillance des infrastructures, l’instabilité politique et l’insécurité. Or, le Maroc, fort par son potentiel de croissance important couplé à une situation politico-sécuritaire stable, démontre des arguments de poids pour non seulement rassurer, mais aussi encourager les investissements étrangers. En effet :

  • Le Maroc bénéficie d’une position géostratégique intéressante pour les investisseurs ;
  • Le Maroc s’est doté d’infrastructures routières, portuaires, ferroviaires, aéroportuaires et logistiques dignes des pays développés ;
  • Avec la plus grande station solaire au monde, Noor 1, et des parcs éoliens gigantesques, le Maroc est à l’avant-garde africaine en matière d’énergies renouvelables ; et comme il a été annoncé par Sa Majesté le Roi, que Dieu L’Assiste, lors de la COP 22 à Paris, le Royaume du Maroc envisage d’atteindre 52 % du mix énergétique, d’origine renouvelable à l’horizon 2020.
  • Un potentiel industriel énorme et diversifié.